Formation et Conception
La dette nationale
1 - De quoi parle-t-on ?
On distingue dans la dette française évoquée par vos journaux, les catégories suivantes :
Pourquoi, une telle distinction ?
Pour niveler le fait que certains pays redistribuent plus que d'autres (Sécurité Sociale) et aussi le fait que certains états sont plus décentralisés que d'autres (administrations locales). Ce regroupement permet une vue complète de la situation d'un pays.
Point technique : On distingue la dette négociable (pouvant être achetée par des investisseurs) du total de la dette de Maastricht. C'est un service de la DGI qui est chargée de gérer la dette négociable (Agence France Trésor). Ce travail est remarquablement mené, nous verrons pourquoi !
Présentation
La dette de l'état français que nous allons évoquer s'entend au sens de la définition donnée à Maastricht. Cette définition qui englobe des grandes administrations nationales permet de comparer la situation d'états dont l'économie n'a pas le même niveau de redistribution.
Ce débat va aborder un point épineux fortement discuter entre économistes :
Le niveau actuel de la dette est-il soutenable ?
Des différences dans les chiffres
La dette de l'état fin 2017 selon l'AFT : 1686 milliards d'Euros
La même selon l'Insee à la même date : 1768 milliards d'Euros
Explication : L'Insee suit la dette au jour le jour et rectifie donc les comptes des évolutions pouvant survenir plus tard dans le temps. (Après l'année comptable)
L'AFT ne parle que de la dette qu'elle a négocié avec les investisseurs donc le chiffre négocié à fin 2017, ne peut fluctuer après le 31 décembre. Les éventuelles variations constatées par l'Insee seront négociées en ....2018, si besoin.
Le montant total de la dette
selon la définition de Maastricht:
2257,8 milliards fin 2017
Tableau 3101 sur le site de l'insee cliquez sur la photo
Taux moyen de l'encours de la dette :
Il s'agit d'un calcul arithmétique très théorique pour apprécier le coût moyen de la dette. A l"intérieur de ce calcul, on trouve des obligations à durée de vie allant jusqu'à 40 ans et des bons du trésor à maturité de l'ordre de 100 jours.
Les taux sont donc variables de proche de 0% (bons du trésor) à plus de 4% pour les obligations.
Quelques autres notions importantes
Une dette engendre des intérêts, ceux de la France sont d'environ 42 milliards par an, ce qui au regard de l'encours est tout à fait correct (2200 X 1,9 % = 42), soit un taux moyen inférieur à 2%, le fruit du travail de l'AFT sur les marchés financiers. Ce bon résultat est aussi lié au fait que les taux sont historiquement bas. Ces 42 milliards constituent la charge de la dette.
Ainsi le déficit primaire de la France (déficit nouveau de l'année en cours avant imputation des intérêts de la dette) s'établit à environ 28 milliards d'euros.
A ce déficit, il faut ajouter la dette nouvelle de l'année (impasse budgétaire - 28 milliards - et la partie échue de la dette antérieure impossible à rembourser), le tout est prévu dans le budget de 2018 pour 200 milliards. ce chiffre s'appelle le service de la dette.
Enfin rappelons : déficit = nouvelle dette de l'année en cours et dette = encours des déficits précédents cumulés.
Un peu de calcul ...
Supposons que l'état décide de rembourser sa dette et donc cela signifie :
Nous avons donc la situation suivante :
Que représente ces 80 milliards : une réduction annuel du budget de l'état (actuellement environ 370 milliards, pour 300 de recettes). La question est donc : où trouver une telle somme ?
Cinq choix possibles : (en théorie)
1 - Réduire les dépenses structurelles
Les dépenses structurelles doivent, au regard des traités européens, se limiter au maximum à 0,5 % du PIB, notion tout à fait acceptable, puisque les dépenses structurelles représentent les dépenses ordinaires de fonctionnement de l'état, qui se doivent d'être équilibrées par les recettes. A contrario, cela veut dire que l'état vit au dessus de ses moyens!
Ce point noir des finances françaises (nous étions à plus de 2% tous les ans) est en passe de disparaître. Nous nous rapprochons de l'objectif de 0,5%. Les moyens sont liés pour l'essentiel à la réduction du nombre de fonctionnaires (très élevés en France), et la réduction des dépenses courantes de fonctionnement ,...
Réduire les dépenses conjoncturelles
Ce point est beaucoup plus délicat à traiter. En effet, les dépenses conjoncturelles sont destinées à soutenir l'économie françaises. D'autre part, elles alimentent l'activité nationale et donc par voie de conséquences, les recettes de l'état. Dans vos journaux, réduire les dépenses conjoncturelles s'appelle "pratiquer l'austérité".
Politiquement, cette pratique est devenue incorrecte et...le FMI s'est aperçu que c'était aussi économiquement désastreux. Un exemple :
Déficit de la Grèce avant la politique d'austérité : 117% du PIB
Déficit de la Grèce après la politique d'austérité : 177% du PIB
Alors, n'existe-t-il pas de place pour ce choix ?
Oui, on peut pratiquer une politique de réduction des dépenses conjoncturelles, à condition qu'elle soit limitée et bien ciblée (peu d'impacts sur les recettes). Bref, c'est un travail de fourmis et de longue haleine, mais c'est aussi un travail très politique : quelle entreprise subventionnée ? Quelle recherche fondamentale soutenir ? Quelle formation scolaire et universitaire développer et avec quels moyens ?...
Augmenter les Impôts
C'est le moyen le plus simple et donc le plus utilisé en particulier dans le cadre des impôts indirects : la TVA, la taxe sur les produits énergétiques, pour ne citer que les deux plus célèbres impôts indirects. Augmenter les impôts directs est toujours politiquement (je devrais dire électoralement) délicat, Mieux, toujours pour des raisons électorales, les impôts directs sont souvent, disons contenus, au regard des pratiques des années 60, par exemple. Cette méthode à cependant ses limites. En effet, aujourd'hui la politique fiscale française possède un taux de prélèvements obligatoires (ensemble des impôts) supérieur à 50%. Dit autrement, on travaille 6 mois pour l'état avant de percevoir le moindre euro.
Cette méthode, pratiquée jusqu'à l'excès, a surement atteint aujourd'hui ses limites.
Vendre les biens de l'état
il s'agit essentiellement de vendre les biens industriels (dénationaliser). Cette méthode a été déjà beaucoup pratiquée et il reste peu de territoire à céder dans ce domaine.
Relancer l'inflation
L'inflation, qui est une dépréciation de la valeur de la monnaie, est du point de vue technique, une prime à l'emprunteur. Ce dernier bénéficie du fait que ses revenus augmentent par opposition au service de la dette (si intérêts fixes).
Un retour de l'inflation à un taux raisonnable (disons 4%) entraîne une hausse des recettes de l'état de 4%, facilitant le paiement des échéances (aujourd'hui totalement impayées sans le recours à un nouvel emprunt). Ainsi à titre d'exemple, une hausse de 4% des recettes de l'état engendre environ 12 milliards d'impôts en plus, ce qui soulage d'autant la dette de l'état. C'est loin d'être la panacée, mais s'aventurer plus loin dans l'inflation serait hasardeux.
Attention : S'agissant de la France, dont la politique monétaire est le fait de la BCE, envisager cette solution, en l'état actuel des choses, est exclue.
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Résumons :
Les méthodes 3 et 4 sont épuisées ou presque. La méthode 5 est actuellement impossible.
La méthode 1 va bientôt respecter les règles mais n'est pas épuisée. Mais elle se heurte à une difficulté majeure : les fonctionnaires ne peuvent être licenciés, donc c'est une méthode encore possible à explorer (surtout avec l'arrivée des nouvelles technologies), mais longue à mettre en œuvre.
Enfin, la méthode 2 est d'une pratique possible, mais lente à produire des résultats efficaces.
Débat :
Il faut au minimum rembourser 10 milliards de capital par an pour faire une opération significative et capable d'influencer favorablement les investisseurs qui nous prêtent de l'argent. Les méthodes explorées soulignent que c'est possible, mais long et forcément accompagner d'austérité pour les français.
Ajoutons, un point fondamental :
Actuellement les taux d'intérêts sont historiquement bas, (merci Mario) et donc nous permettent d'honorer notre dette en gardant la confiance des investisseurs, mais si d'aventure les taux revenaient disons à 4 %, la charge des intérêts remonterait progressivement vers 2200 X 4 % = 88 milliards. En clair une somme insoutenable...
Ce constat enterre ipso facto, le choix d'un retour de l'inflation, puisque taux bas et inflation sont antinomiques. De plus, pourvu que les taux ne remontent pas...sinon nous irions vers la banqueroute.
Présenté ainsi, la situation est calamiteuse et certains économistes n'hésitent à affirmer que la France, mais aussi les autres pays endettés, devront un jour se déclarer en cession de paiement.
Nous n'en sommes pas là, mais ce qui est certain, c'est la nécessité d'arrêter le gonflement de la dette. En clair cela signifie un budget équilibré : recettes 300 milliards et dépenses 300 milliards (intérêts de la dette compris) donc une économie annuelle de 70 milliards.
Cette situation est forcément porteuse d'austérité et donc de...baisse de recettes!
Je suis en train de dire que pour baisser les dépenses de 70 milliards, il faut accepter l'idée que les recettes vont automatiquement baisser aussi, entraînant de nouveau un déséquilibre.
Tout le monde aura compris que d'aucuns sous estiment fortement la situation, pour ne pas dire qu'ils font preuve de naïveté!
Mais l'affaire déjà complexe au demeurant, ne s'arrête pas là !
Il faut tenir compte du contexte :
Nous sommes à l'aube d'une révolution numérique, qui va coûter beaucoup d'argent à l'état en termes :
Dit autrement, il faut maintenant et surtout pas dans deux ans ou plus, renoncer à l'austérité et dépenser plus pour éviter demain une austérité plus grave par manque de compétitivité. Le combat est engagé aux USA et en chine à "coûts" de milliards, alors que nous parlons en millions et encore peut être, car les européens n'ont pas d'argent. (budget de la zone euro bouclé jusqu'en 2028...)
Voilà le débat est ouvert et nous attendons votre avis, mais n'oubliez pas :
Ce débat met sur la table nos problème de balance des paiements, de compétitivité, d'avenir européens, de politique monétaire, etc...
Précisions